JOSETTE VILLENEUVE

Musée Hôtel des postes, Victoriaville. Du 25 juin au 11 octobre 2020

Invitée par Jocelyne Fortin directrice et conservatrice du Musée Hôtel des postes, dans le cadre de l’exposition thématique : « La beauté du monde ». Lire le texte de Jocelyne Fortin ici

La Nouvelle union, par Manon Toupin, 14/07/20

Le texte de Jocelyne Fortin, directrice générale et conservatrice du Musée Hôtel des postes :

L’exposition La beauté du monde se déploie au rez-de-chaussée et au premier étage de l’Hôtel des Postes. La première salle est consacrée à une œuvre monumentale de Josette Villeneuve, intitulée Un monde à raccommoder. L’installation murale propose deux mappemondes. La première s’inspire des continents, tels que nous les représentons actuellement. La deuxième est quant à elle positionnée de manière renversée, le sud est en haut et le nord est en bas. La forme étirée des continents rappelle les anciennes cartes des explorateurs. Le bas de la murale suggère plusieurs drapeaux emblématiques de différents pays. L’artiste a choisi de les représenter afin de fixer dans le temps les pays souvent cités dans les manchettes internationales en 2005-2006, année de réalisation de l’œuvre. On y reconnaît de gauche à droite les drapeaux de la Russie, du Pakistan, de la Syrie, de la Grèce, de l’Iran, du Bangladesh, des États-Unis, d’Israël et de l’Italie.

On oublie qu’une étiquette est une broderie et un objet d’identification; une sorte de mini drapeau identifiant une compagnie, des fabricants, une industrie de la mode, des consommateurs, etc. Cet objet banal est pourtant pourvu d’une certaine beauté, que l’on regarde la composition du recto ou bien celle de son verso. Il s’agit d’un objet qui a été dessiné, puis conçu avec soin avec des fils d’une grande qualité. La créativité se déploie de diverses manières et, dans les moindres détails, l’humain intervient en laissant sa trace.

Ce qui est sublimatoire dans cette œuvre ce n’est pas la représentation des mappemondes, bien qu’elles soient magnifiquement évoquées, mais bien la manière dont elles ont été réalisées. De simples étiquettes de vêtements confectionnées et cousues à la grandeur du monde se retrouvent épinglées ensemble pour former notre Terre. Le labeur qu’a demandé cette réalisation extraordinaire fait partie de la beauté de l’œuvre. Une quête d’étiquettes dans les dépôts de vêtements usagés qui sont jetés, parce qu’ils ne peuvent pas être revendus. L’œuvre porte en elle tout le travail des ouvrières et des ouvriers des usines textiles à travers le monde. Elle soutient une réflexion sur l’industrie manufacturière qui préfère souvent s’installer là où la main-d’œuvre est abondante et moins exigeante. L’installation murale n’échappe pas non plus à une réflexion écologique, puisque toutes les étiquettes proviennent de vêtements qui ont été détruits et pourtant nous continuons insatiablement à en produire d’autres qui subiront un jour ou l’autre le même sort.

Cette murale offre plusieurs niveaux de compréhension implicites. Josette Villeneuve ne propose pas dans cette œuvre un grand discours sur l’éthique internationale, mais elle évoque simplement par le titre de l’œuvre, Un monde à raccommoder, la beauté du monde; celle d’aujourd’hui, celle des premiers explorateurs, celle de ceux qui façonnent l’actualité internationale par l’impact de leurs décisions… L’artiste souligne que cette beauté du monde est suffisamment remarquable pour être raccommodée, même si la réparation demeurera visible dans notre histoire. Ce sont peut-être même ces cicatrices qui, lorsqu’elles sont guéries, font la beauté de notre humanité.

Notre volonté de vaincre nos imperfections et de changer l’histoire de notre humanité s’accentue; nos valeurs changent, notre tolérance s’émancipe, notre sens des responsabilités s’accroît. Des cris du cœur se font attendre, des virus naissent et des œuvres sont créées afin que l’humanité soit à son meilleur. Cette invitation à faire partie de ce changement vous est lancée…

La beauté du monde est aussi cachée dans les fragments de notre Terre et l’exposition se poursuit au premier étage pour en contempler d’autres aspects. Bonne fin de visite!